A la pêche aux médicaments
Le projet européen DIADeM, coordonné par l’Université de Reims-Champagne-Ardenne, qui vient de démarrer, veut faire toute la lumière à ce sujet.
Quinze partenaires belges et français, dont l’Université de Namur, vont en effet étudier, au cours des trois années, qui viennent, les effets potentiels des rejets d’origine médicamenteuse dans la Meuse, la Sambre et la Semois.
Le paracétamol affecte-t-il les organismes aquatiques ?
Grâce aux données d’une précédente étude menée par la Société Wallonne Des Eaux (SWDE), partenaire du projet DIADeM, les scientifiques connaissent déjà les molécules pharmaceutiques présentes dans la Meuse, et leurs concentrations.
« Nous partons du constat que l’on détecte dans le fleuve une multitude de substances. Ce projet cherche à savoir si elles ont un impact sur le vivant » explique le Pr Patrick Kestemont, chef du laboratoire de physiologie et toxicologie environnementales de l’Université de Namur (UNamur), principal partenaire académique belge du projet.
Les chercheurs ont décidé de se focaliser sur l’étude de cinq molécules particulières. Toutes retrouvées fréquemment dans les eaux de la Meuse :
- – le paracétamol, un antalgique
- – la carbamazépine, un neuroleptique
- – l’irbesartan, un régulateur de tension
- – le naproxen, un analgésique et anti-inflammatoire
- – le diclofenac, un anti-inflammatoire
Effet cocktail pour la moule zébrée et l’épinoche
La première phase du projet est en cours. Elle vise à tester en laboratoire des mélanges de ces substances sur des modèles biologiques vivant dans ces cours d’eau. À savoir un végétal (la mousse), deux invertébrés (la moule zébrée et le gammare), et deux vertébrés (la truite arc-en-ciel et l’épinoche).
Les scientifiques exposeront ces organismes durant 6 semaines à différents cocktails. Tout d’abord à des doses environnementales moyennes. Puis à cette dose multipliée par 10, et enfin par 100.
Ces mélanges sont élaborés pour respecter la réalité du milieu : sur le terrain ces molécules se mélangent automatiquement dans l’eau. Mais aussi pour déterminer l’incidence que ces substances peuvent avoir en étant combinées. Un effet cocktail rarement pris en compte dans les études.
Écoutez le Pr Kestemont préciser les différents effets que ce « cocktail moléculaire » peut induire pour les espèces présentes dans la Meuse
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« À l’Université de Namur, on étudie l’impact de ces mélanges sur la truite. À la fin de l’expérience, on réalisera des prélèvements sur divers organes et on analysera les biomarqueurs d’effets et d’expositions, précise le Pr Kestemont. On notera de cette façon si des effets sont observés et sur quels systèmes : reproducteur, immunitaire, nerveux ou énergétique.
Au terme de la période de contamination, on soumettra également les poissons à un challenge bactérien, afin de vérifier leur capacité à lutter contre des infections par des organismes pathogènes ».
Améliorer à terme les stations d’épuration des eaux
À la suite de ces expériences en laboratoires, les organismes seront étudiés durant plusieurs semaines en situation réelle.
« Nous les placerons dans des cages, de manière à ce qu’ils ne se déplacent pas, en amont et en aval de quatre stations d’épuration choisies dans le bassin hydrographique. L’idée est d’avoir pour chaque station un végétal, un invertébré et un vertébré » explique encore le toxicologue de l’UNamur.
Au-delà de constater l’effet in situ de ces polluants sur le vivant, l’étude servira aussi à cartographier les rejets. « On prélèvera des échantillons d’eau dans une vingtaine de points le long de la Meuse et de ses affluents, à la fois du côté belge et du côté et français, afin de vérifier auprès de la SWDE et du CER-groupe de Marloie les concentrations dans l’eau et les sédiments ».
Les résultats attendus intéresseront la Société Publique de Gestion de l’Eau (SPGE). Les stations d’épurations étant principalement conçues pour retenir le carbone, l’azote et le phosphore, elles filtrent dès lors moins efficacement les substances médicamenteuses.
De quoi revoir à terme les modes d’épuration des stations belges, si le projet DIADem devait montrer que ces rejets posent de réels problèmes.